Appel à communs pour le jumeau numérique de la France
Appel à communs pour le jumeau numérique de la France
L’IGN, le Cerema et l’Inria ont émis l’idée de constituer un jumeau numérique à l’échelle de la France, capable notamment d’aider les territoires à répondre aux défis environnementaux. Les partenaires en appellent aujourd’hui aux bonnes volontés pour proposer des cas d’usage thématiques, élargir les capacités du socle technique et des services proposés sur la plate-forme et développer un travail de recherche commun.
Périgueux (24), modélisation du socle 3D pour le futur jumeau numériquePlus de 170 participants ont participé au premier des deux webinaires organisés par l’IGN, le Cerema et l’Inria pour lancer un appel à commun autour du jumeau numérique de la France et de ses territoires. Un succès et nul doute que le prochain fera aussi bien le 19 juin. Car, ce futur jumeau hexagonal suscite l’attention autant qu’il intrigue. Surtout, il ne se fera pas tout seul, prévient Dimitri Sarafinof, pilote du programme Jumeau Numérique à l’IGN: «Il faut constituer une équipe de France des jumeaux numériques. C’est indispensable dans un contexte de dérèglement climatique qui est un problème commun et partagé par plusieurs acteurs. Tous ont besoin de comprendre et de se projeter en se basant sur des simulations et en comparant des scénarios d’action selon une grille de lecture commune. Basé sur un socle de données multithématiques, le jumeau numérique est la solution idéale, proposant des capacités de simulation et de visualisation immersive, pour faciliter la compréhension et prendre des décisions.»
Un outil en appui aux décisions
Le jumeau numérique de la France est ainsi abordé sous deux angles. D’abord, comme un outil venant en appui aux politiques publiques. Celles-ci doivent composer différemment qu’à l’heure actuelle, en anticipant des effets du dérèglement climatique qui ne sont pas encore connus, et en instaurant de nouvelles manières d’aménager le territoire avec l’optimisation des politiques publiques menées localement dans chaque territoire. Les trois partenaires du départ (IGN, Cerema et Inria) sont donc conscients qu’ils ne pourront pas agir seuls. Il leur est nécessaire de fédérer et de mutualiser les développements de jumeaux numériques déjà existants, aussi bien à l’échelle locale que nationale et autant dans la sphère publique que privée. «C’est une opportunité sur le plan économique pour structurer une filière autour du jumeau numérique et de ses services dans le contexte du plan France 2030», affirme Dimitri Sarafinof. Lui reconnait que le sujet n’est pas resté inexploré et qu’il existe déjà des initiatives. Mais, elles recouvrent soit sur une thématique restreinte (par exemple sur un réseau de transport électrique, un système ferroviaire ou un biotope précis), soit une emprise géographique limitée, le plus souvent à l’échelle d’une ville ou d’une métropole (Dijon, Angers, Monaco, Rennes, Montpellier, Strasbourg…). «Nous avons besoin de désiloter les problématiques en créant une vision plus large pour appréhender des dynamiques globales et analyser les phénomènes de façon décloisonnée».
Bordeaux (33), Plan et orthophotographie IGNL’objet de l’appel à commun ouvert jusqu’au 30 septembre 2024 est donc mené sous 3 axes, que présente Stéphane Leveque, directeur de projets Produits innovants au Cerema : définir et proposer un socle technique de données et de services, détecter des cas d’usage thématiques locaux pour prioriser les développements du socle technique en s’appuyant sur les référentiels proposés par l’IGN (LiDAR HD, BD Topo, BD Ortho, occupation des sols à grande échelle, etc.) pouvant être complétés par d’autres référentiels en données ouvertes ou à usages restreints. Enfin, il s’agira de mettre en place un programme de recherche pour lever les verrous technologiques et favoriser l’interopérabilité.
«Il faut montrer l’utilité du jumeau numérique sur le terrain par rapport à des cas d’usage qui nécessitent des approches transversales, explique Stéphane Leveque. Par exemple, sur la préservation des ressources hydriques, comme étudier l’impact des retenues d’eau et autres bassines. Autre cas, la prise en compte de multiples enjeux en termes d’aménagement du territoire selon l’évolution démographique, la sobriété foncière (ZAN), les ilots de chaleur… En ce qui concerne l’aménagement du littoral, il s’agira aussi d’étudier les problématiques de recul de trait de côté et du risque de submersion». Il faut aussi lever des verrous technologiques en définissant les axes de recherche avec différents niveaux de maturité, complète Dimitri Sarafinof. «Nous avons déjà noté les objectifs d’élaboration d’un référentiel géographique précis, d’interopérabilité entre le jumeau national et les jumeaux locaux, la prise en compte des différentes technologies de visualisation immersive (VR/VA), la capacité de simuler différentes choses en parallèle ou la géolocalisation précise d’image avec une attestation de véracité des sources».
Mise au pot commun
Marseille (13), Données LiDAR HDL’appel à communs est ouvert depuis le 23 mai et jusqu’au 30 septembre 2024. «Le but est d’arriver à fédérer un collectif le plus large possible, avec un maximum d’acteurs publics, associatifs et éventuellement privés, explique Nicolas Berthelot, responsable de la fabrique IGN. Il s’agira de construire sur ce qui a déjà été fait, en recensant les briques existantes et de s’interfacer avec elles pour avoir une interopérabilité maximum. En somme, constituer une équipe pour répondre de manière collective et mettre à disposition en open source ce qui existe déjà».
Il n’y a donc pas de financement de prévu, mais «un enjeu de mutualisation des développements déjà réalisés» parfois avec des investissements conséquents en «intégrant des complémentarités, en mutualisant les briques technologiques et ainsi en réalisant des économies d’échelles». Attention, comme évoqué : tout ce qui sera mis au pot commun sera alors considéré comme une ressource «en mode ouvert, utilisable par qui le veut »… Une précision qui risque de modérer l’enthousiasme de la sphère privée si elle n'obtient pas plus d'explications ou de garanties supplémentaires. Elle risque aussi de relativiser l'intérêt des collectivités ayant investi (parfois beaucoup) pour développer leur propre jumeau numérique et en étudient encore le potentiel. Tous ont en tête l’exemple de l’open data: une idée louable, applaudie par tous et qui fonctionne bien, avec tout de même au final le constat qu’il y a souvent plus de profiteurs que de contributeurs. C’est probablement pour cela que les cinq premiers cas d’usage identifiés sont aussi larges que fédérateurs : «Planification écologique et aménagement durable des territoires», «Gestion du littoral», «Agriculture», «Forêts» et «Propagation d’épidémie et épidémiologie d’intervention». Nous noterons que rien n’a été précisé (pour le moment ?) concernant le périmètre très national du jumeau, quand bien même il est difficile, voire impossible, de traiter ces thèmes sans une vision élargie bien au-delà de nos frontières…
L’un des derniers slides diffusés durant le webinaire insiste sur l’intérêt de répondre en 3 points. D'abord, les besoins exprimés par les usagers pilotes seront traités en priorité et ils bénéficieront des services offerts par le jumeau dès les phases de test. Ensuite, le jumeau sera construit en prenant en compte les spécificités de contribution proposées et les opportunités d’interconnexion recensées lors de cet appel. Et enfin, le jumeau numérique de la France sera une plate-forme de référence. Les solutions et services en ligne qui y seront référencés atteindront un public large.
Là encore, il faudra que la pensée se précise : le jumeau numérique de la France sera-t-il un jumeau numérique concaténant divers jumeaux numériques et autres données et bases de temps, avec du temps réel ou pas, ou bien un catalogue de services avec par exemple différentes simulations pré-enregistrées, une plate-forme d'outils pour faire ses propres simulations et éventuellement ajouter son propre jumeau ou un autre site ? En ces prémices de l'été, l’initiative ressemble donc à un paquebot à quai. Si vous souhaitez que le jumeau France suive le cap de vos attentes, vous avez donc intérêt à embarquer. Ceux qui ne monteront pas à bord pourront qu’espérer que la destination choisie leur convienne pour de prochaines vacances. Pour l’heure, on se souvient que l’histoire du France, initiée par le Général de Gaule, avait bien débuté, mieux que d'autres...