Concevoir le réel avant qu’il n’existe : la révolution du Digital Engineering

Publié le 17 décembre 2025 par Redaction Twin+

Concevoir le réel avant qu’il n’existe : la révolution du Digital Engineering

Dans cette tribune, Scott Parent, VP & Field CTO chez Ansys, analyse comment l’ingénierie numérique, portée par la simulation, l’IA et le MBSE, permet de concevoir le réel avant qu’il n’existe et de transformer durablement la compétitivité industrielle.

Twin+ jumeau numerique Tribune Scott Parent Ansys.jpegLes entreprises disposent aujourd’hui d’un arsenal technologique sans précédent, tout en faisant face à des contraintes inédites. Les cycles d’innovation se raccourcissent, les systèmes deviennent de plus en plus complexes, les talents se raréfient et la pression environnementale ne cesse de croître. Dans ce contexte exigeant, une question se pose : peut-on encore innover sans concevoir numériquement ?

L’ingénierie numérique ne représente pas simplement une évolution de la conception, elle constitue une véritable rupture culturelle. Elle ne se limite pas à reproduire le monde physique mais le fait émerger du monde digital. Pendant des décennies, les industriels ont fondé leur performance sur des prototypes, essais et corrections successives. Ce modèle, gage de fiabilité pendant des décennies, montre aujourd’hui ses limites : trop lent, trop coûteux et trop rigide pour suivre le rythme du marché.

La conception « digital-first » permet d’imaginer, de tester et d’optimiser les produits avant même qu’ils n’existent. L’innovation ne se mesure plus au nombre d’essais réalisés, mais à la capacité d’anticiper et de maîtriser le réel avant même qu’il ne prenne forme.

Les défis du monde moderne

Dans toutes les industries, les produits sont devenus des systèmes intégrés mêlant mécanique, électronique, logiciels embarqués et connectivité. Cette hybridation rend toute approche en silos obsolète, car la moindre modification d’un sous-système impacte l’ensemble. Seule une ingénierie numérique intégrée permet de modéliser ces interactions et de maîtriser la complexité croissante des produits.

La vitesse, désormais vitale, impose de repenser les cycles de développement. Grâce à la puissance du calcul haute performance (HPC) et à la flexibilité du cloud, ce qui exigeait plusieurs jours de prototypage peut aujourd’hui être validé virtuellement en quelques heures.

À ces défis s’ajoutent les exigences de conformité et de durabilité, qui imposent une traçabilité complète sur tout le cycle de vie. En France, le programme Industrie du Futur et, en Europe, la directive Écoconception ou le futur passeport numérique des produits accélèrent cette transformation.

Enfin, une nouvelle génération d’ingénieurs, née dans un monde façonné par les données et la collaboration en ligne, fait du numérique sa langue maternelle. Les entreprises qui ne s’adaptent pas à cette culture risquent de perdre bien plus que du temps : elles perdront leur dynamisme et, à terme, leur avantage concurrentiel.

La simulation, l’intelligence artificielle et le MBSE

Au cœur de cette mutation, trois forces se combinent et se renforcent mutuellement : la simulation, l’intelligence artificielle et le Model-Based Systems Engineering (MBSE). Ensemble, elles forment la grammaire de cette nouvelle ingénierie du réel.

Twin+ jumeau numerique Tribune Scott Parent Ansys.jpegLa simulation structure l’analyse. Elle permet de tester virtuellement des milliers d’hypothèses, de prévoir le comportement d’un système avant qu’il n’existe, et de transformer la donnée en connaissance exploitable. L’intelligence artificielle, elle, amplifie cette capacité. En associant modèles physiques et apprentissage automatique, elle réduit drastiquement les délais entre la conception et la décision. Dans l‘automobile par exemple, des crash-tests virtuels alimentent des modèles prédictifs capables d’anticiper la déformation d’un véhicule avant le premier prototype.

Le MBSE, apporte la cohérence à l’ensemble. Il tisse un fil numérique continu, le digital thread, qui relie les exigences, la conception et la validation. Ce fil s’appuie sur une Authoritative Source of Truth, une source de vérité de référence, unique et vérifiée, partagée par toutes les équipes. Ce n’est plus le document qui fait foi, mais le modèle lui-même. Il devient un référentiel vivant, garantissant la traçabilité et la continuité entre la conception et la réalité.

Une mutation culturelle

Le véritable enjeu du digital-first n’est pas technologique, mais culturel. Trop d’entreprises réduisent encore la transformation numérique à une modernisation de leurs outils, alors qu’elle suppose un changement de modèle. Passer au numérique, c’est redéfinir le rapport au risque, la mesure de la performance et la collaboration. C’est admettre que la confiance ne repose plus seulement sur l’expérience, mais sur la donnée, la transparence et la traçabilité.

Cette mutation conduit aussi à repenser la gouvernance de l’ingénierie. Partager les modèles et connecter conception, production et maintenance autour d’un même fil numérique paraissent simples, mais exigent de rompre avec des décennies de silos organisationnels. À la clé, une souveraineté renforcée, fondée sur la maîtrise de ses modèles et leur gouvernance comme base de décisions.

Du gain d’efficacité à la compétitivité stratégique

Les bénéfices techniques sont bien établis : des cycles de développement plus courts, moins de prototypes physiques et des coûts mieux maîtrisés. Mais sa véritable puissance réside dans sa capacité à transformer cette efficacité en avantage compétitif durable. Les entreprises qui conçoivent, testent et optimisent virtuellement leurs produits transforment la performance technique en valeur économique mesurable.

DTwin+ jumeau numerique Tribune Scott Parent Ansys industrie verreans l’industrie du verre, où les températures extrêmes rendent la surveillance difficile, les jumeaux numériques hybrides – croisant données opérationnelles et simulation physique –permettent de suivre les équipements en continu, d’anticiper les dérives et d’optimiser la consommation énergétique. Cette approche réduit les arrêts imprévus, améliore la maintenance prédictive et atténue l’empreinte énergétique.

Ces gains dépassent la simple optimisation industrielle. Ils traduisent une nouvelle manière d’opérer, plus agile et plus résiliente. Grâce à des écosystèmes ouverts et interopérables, les entreprises peuvent connecter leurs outils, leurs partenaires et leurs données sans rupture. Dans un environnement où les technologies et les réglementations évoluent en permanence, cette capacité d’adaptation devient à la fois une condition de survie et un levier de différenciation.

Le numérique comme condition du réel 

Le réel n’est plus le point de départ de l’innovation, il est désormais le résultat.
 C’est dans l’espace numérique que les idées prennent forme, que la performance se valide et que la durabilité s’éprouve. L’ingénierie ne reproduit plus le réel, elle le conçoit en amont Dans un environnement où chaque décision doit être traçable, mesurable et anticipée, le numérique devient la condition même du réel. Les entreprises qui embrassent cette approche ne font pas qu’accélérer l’innovation : elles en redéfinissent la nature.

 Scott Parent, VP & Field CTO chez Ansys (groupe Synopsys)



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