Pic du Midi : candidat au patrimoine mondial de l’Unesco avec un jumeau numérique

Publié le 21 octobre 2025 par Valérie Handweiler

Pic du Midi : candidat au patrimoine mondial de l’Unesco avec un jumeau numérique  

Pour conforter son dossier de candidature à l’inscription du site au patrimoine mondial de l’Unesco, le Pic du Midi s’est doté d’un jumeau numérique. Une maquette 3D multicouches réalisée par A-Bime et son doctorant CNRS dans le cadre d’une bourse Cifre. Twin+ jumeau numerique pic du midi A-BIME

 Avec son observatoire astronomique perché à 2876 m au cœur des Pyrénées, ses antennes de télécommunication, son centre météo et tous ses laboratoires de recherche, le Pic de Midi de Bigorre concentre aujourd’hui sur 7 niveaux et 10.000 m2 de plancher un patrimoine scientifique et historique unique. Cet ensemble exceptionnel l’a tout naturellement mené à candidater à une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Depuis la pose de sa première pierre en 1870, jusqu’à l’inauguration plus récente en 2000 d’un ensemble de visite touristique d’altitude avec musée, restaurant et même un ponton de 10m de long pour une expérience au-dessus du vide, l’édifice aux multiples coupoles a vu se superposer diverses couches de bâti.  Dans ce contexte, rien de tel qu’un jumeau numérique pour expliquer le lieu, son histoire, ses différentes phases de construction et les marques du temps. Un trésor pour ceux qui ont la charge de donner à voir la valeur patrimoniale du site. 

 La société A-Bime est chargée de ce travail. «À la suite de leur première audition, on leur avait dit: votre dossier est intéressant, mais il faut le consolider; il faudrait une étude architecturale», raconte Didier Groux, expert pour le bâti ancien et les monuments historiques et co-fondateur de la société A-BIME. En collaboration avec son doctorant Marc Panneau, lui-même rattaché à l'IRAA (Institut de Recherche sur l'Architecture Antique) à Lyon, ils ont intégré dans une interface toutes les étapes de la construction du site «presque décennie par décennie, depuis 1875», en intégrant les données structurelles, les réseaux, les matériaux, l’état des bétons, les zones de fragilité et les éléments historiques. La modélisation 3D aide à comprendre la complexité du lieu: observatoire, station météo, centre de télécommunications et site touristique à la fois. Le modèle final est consultable sur une plate-forme web sécurisée: «Le GIP en charge de la candidature peut cliquer sur une fenêtre, une porte, un niveau de sol; ce n’est pas qu’une enveloppe, mais un modèle renseigné: types de sols, fonctions des espaces, chronologies, appartenances.»

Reconstituer l’évolution du site à partir des traces existantes

Ce jumeau numérique du Pic du Midi, construit à partir de relevés et de données d’archives, constitue une démonstration technique autant qu’un outil d’analyse patrimoniale. «On prend les documents fournis par ceux qui ont étudié le site avant nous, on vérifie qu’ils sont justes, on les incrémente, explique Marc Panneau.  On a obtenu des scans produits par l’École centrale de Nantes, par des cabinets de géomètres ou des agences mandatées les années précédentes.» Ces données couvraient presque 80% du site. Les manques ont été comblés par du Lidar HD, de la photogrammétrie, des données de topographie ou d’autres relevés. «Le scan nous donne un moule virtuel en 3D et on remplit l’intérieur : on donne de la consistance numérique au nuage de points», précise Didier Groux. Le travail consiste à corréler les données géométriques à des plans, des archives et des descriptions historiques. Une démarche qui repose sur une logique itérative : reconstituer l’évolution du site à partir des traces existantes, tout en vérifiant la cohérence de chaque source. 

Techniquement, les équipes travaillent avec des outils ouverts ou standards: «Pour tout ce qui est SIG, je travaille sur QGIS, sur Revit pour la modélisation et Blender pour le BIM, indique Marc Panneau. Les fichiers sont exportés au format IFC, un format ouvert qui peut être lu par n’importe quel logiciel». Ce choix garantit la portabilité des données dans le temps, condition essentielle pour un projet patrimonial. 

Twin+ jumeau numerique pic du midi A-BIME 2Le HBIM : une vision patrimoniale du bâtiment 3D

La thèse de Marc Panneau intituée «Les apports du processus HBIM à l’étude archéologique et à la gestion patrimoniale d’un monument historique» s’inscrit dans cette démarche. Le HBIM (pour Heritage-BIM), c’est l’adaptation du Building Information Modeling aux bâtiments patrimoniaux. Il associe la modélisation 3D à des données historiques, architecturales et matérielles pour documenter, analyser et gérer le patrimoine. «L’idée est de développer une vision archéologique du BIM: réunir toutes les données disponibles (géométriques, topographiques, historiques) et les structurer dans une maquette interopérable. Le but n’est pas nécessairement de simuler, mais de mettre autour de la table toutes les données disponibles et de les partager.  La maquette numérique sert autant à l’analyse scientifique qu’à la médiation. «L’intérêt du BIM, c’est que les experts internationaux qui doivent se prononcer sur le dossier de labelisation peuvent visualiser le site, même sans se déplacer, commente Didier Groux. C'est un outil merveilleux qui permet aux maîtres d’ouvrage et aux archéologues de se parler et se comprendre» !

  Valérie Hadnweiler


  picdumidi.com/fr/

  picdumidi-candidatunesco.org/

Derniers articles