Où en est le jumeau numérique de la France ?
Où en est le jumeau numérique de la France ?
Validé par France 2030, le projet de jumeau numérique de la France se précise. Pilotée par l’IGN avec le Cerema et l’Inria, cette initiative nationale ambitionne de poser en 2026 un socle commun au service des territoires. Au Salon des maires 2025, Nicolas Lambert fait le point pour Twin+ sur l’état d’avancement et les usages visés.
©JC Guilloux - CeremaMi-novembre, au Salon des maires SMCL 2025, le jumeau numérique de la France restait plus que discret sur le Village “territoires et écologie”, avec une seule conférence de presse pour en évoquer l’état d’avancement. Il faut dire que le contexte était particulier. En effet, si ce projet de jumeau national, que l’Institut pilote avec le Cerema et l’Inria, a bien été validé par France 2030, il attend encore sa formalisation finale. Twin+ a tout de même rencontré Nicolas Lambert, Chef de mission Innovation et partenariats industriels à l’IGN, pour faire un point sur l’état d’avancement, les usages visés et l’ambition réelle de ce futur socle national.
« Dès l’an dernier, il était prévu que l’IGN, conjointement avec le Cerema, l’Inria et un consortium de quatorze industriels (1Spatial France, BRGM, Camptocamp, Cap digital, Cerema, CNES, Géodata Paris, Geometry Factory, IFP Energies nouvelles, IGN, Igo Geofit, INRIA, Luxcarta et Siradel), dépose un dossier de financement « France 2030 » auprès du Secrétariat général pour l’investissement, rappelle Nicolas Lambert. C’est un processus assez long, car les dossiers sont complexes et demandent beaucoup d’interactions. Ainsi le comité exécutif de France 2030 a validé le projet le 30 septembre dernier. La dernière étape administrative est la signature du Premier ministre. Ensuite viendra le conventionnement avec la Banque des Territoires pour un démarrage du projet début 2026. »
Derrière cette mécanique institutionnelle se cache une démarche fondamentalement orientée vers les usages. Bien avant cette validation officielle, l’IGN et ses partenaires ont lancé une large consultation. « L’appel à contributions lancé en juin 2024 a été arrêté en septembre dernier, précise Nicolas Lambert. Nous avons reçu plus de 200 contributions : collectivités, administrations centrales, entreprises, éditeurs de solutions ou acteurs confrontés à des problématiques terrain ont alimenté la réflexion. Toutes ces contributions, ainsi que les échanges bilatéraux que nous avons eus, ont nourri le projet de jumeau numérique. Cela nous a permis de définir le socle technique dont nous avons besoin collectivement, mais aussi d’identifier des familles de cas d’usage correspondant à de vrais besoins, notamment ceux des collectivités. »
Ces usages dessinent déjà les contours concrets du futur jumeau numérique national. « Il y a beaucoup de demandes autour de l’aménagement du territoire, des risques naturels et en particulier de l’aléa inondation. Il y a aussi toute une famille de cas d’usage autour de la forêt : biomasse, dépérissement, risques sanitaires, feux de forêt, mais aussi projection dans le temps », confie notre interlocuteur. La transition énergétique constitue un autre axe majeur. « Avec le Cerema, nous avons déjà développé un portail pour l’accélération des énergies renouvelables, où les communes définissent leurs zones d’accélération. Le jumeau numérique va permettre d’aller plus loin, de donner plus d’informations pour se projeter, aussi bien pour les maires que pour les porteurs de projets. » Impacts environnementaux, contraintes techniques et scénarios d’implantation deviennent ainsi analysables dans une logique systémique. Les gestionnaires de réseaux s’intéressent également de près à l’initiative. « Avec SNCF Réseau, Enedis ou RTE sont abordées toutes les questions de végétation autour des linéaires de réseau. Pour eux, cet entretien représente un poste budgétaire très important. On voit bien qu’il y aura là un cas d’usage spécifique à développer. »
Des projets pilotes déjà démarrés
Si le socle technique est prévu pour se développer sur une période d’environ deux ans et demi à partir de 2026, certains projets pilotes démarrent sans attendre. « Nous n’allons pas attendre que le socle soit complètement finalisé pour travailler sur des cas d’usage, affirme Nicolas Lambert. Par exemple, nous travaillons déjà sur le dépérissement des forêts du parc du Mercantour avec la métropole Nice Côte d’Azur et en partenariat avec le CNES. Là où les données et les modèles existent, on peut avancer. » De plus, face aux collectivités qui se sont lancées sans attendre avec leur propre jumeau numérique, l’IGN assume une logique de complémentarité. « Nous savons que certaines métropoles comme Angers, Dijon ou Rennes ont déjà ont déjà développé leur jumeau. Nous discutons avec elles pour articuler leur jumeau territorial avec le socle national. Par exemple, un premier partenariat est en train de se mettre en place avec Angers. »
Selon Nicolas Lambert, l’intérêt est clair : « un jumeau métropolitain couvre un territoire donné. Mais les mobilités, les réseaux, les bassins d’emploi dépassent largement ces périmètres. Avoir une vision plus large, nationale, est essentiel. » À cela s’ajoute la mutualisation d’expertises de haut niveau. « L’Inria apporte une expertise très avancée en intelligence artificielle, l’IGN en IA appliquée aux données géographiques, le Cerema son expertise métier. Nous associerons aussi Météo-France, le BRGM et d’autres acteurs scientifiques. » Le projet s’inscrit également dans un jeu d’échelles assumé. « Il y a une articulation à construire entre le BIM, qui regarde à très grande échelle le bâtiment, le jumeau numérique territorial et les niveaux régional, national, européen. Nous suivons de près des initiatives comme « Destination Earth ». Nous croyons beaucoup à cette interaction entre les différentes échelles. ». L’initiative CoNumCT s’ajoute ainsi dans cette réflexion. Du reste, seule l’entrée en phase active du projet et la pose des fondations du jumeau numérique national permettra d’avancer. La première version du socle technique mutualisé et les premières applications qui devraient voir le jour avant la fin de l’année 2026 sont très attendues ! Ce sera la preuve que le jumeau national est vraiment un bien commun au service des territoires et des politiques publiques.

